Depuis plusieurs années, les mouvements de protestation agités des habitants du territoire de Basankusu, culminant en une vigoureuse manifestation contre l’organisation ABC (Amis de Bonobo du Congo) en 2023, mettent en lumière un climat de collaboration défaillant entre les acteurs concernés. Ces troubles ont pour épicentre la réserve communautaire Ekolo ya Bonobo, gérée par ABC, et reflètent une tension croissante exacerbée par des méthodes coercitives employées pour protéger cette espèce emblématique de la RDC.
Lors d’un débat crucial organisé le 16 mars dernier à Kinshasa par le CTIDD (Centre des Technologies Innovatrices et du Développement Durable), le CERDI BAS et le GAIDEP (Groupe d’Appui aux Initiatives de Développement Durable et Participatif), la crise a été disséquée sous tous ses angles. Trésor Bondjembo, coordinateur du CTIDD, a souligné les difficultés des communautés riveraines à accéder aux ressources naturelles qui leur reviennent de droit, évoquant les conflits persistants entre celles-ci et les écogardes de la réserve.
Les scientifiques réunis lors de cette conférence ont déploré le non-respect des procédures réglementaires lors de la création de la réserve communautaire. Ils ont unanimement appelé à sa suspension temporaire afin d’entamer des négociations réfléchies pour définir un nouveau cadre de gestion plus inclusif.
Le dialogue a également mis en lumière les responsabilités multiples à différents niveaux administratifs, du national au local, soulignant l’urgence d’une intervention du ministère provincial pour résoudre ce conflit avant qu’il ne dégénère davantage.
Les participants ont souligné le besoin pressant d’une législation efficace en matière de protection de l’environnement, notamment en révisant la loi sur la conservation de la nature de 2014, jusqu’ici dépourvue de mesures d’application concrètes.
Pour les habitants de la région, bien que la réserve ait été officiellement créée en 2019, les communautés qui ont cédé leurs terres forestières n’ont reçu aucune compensation tangible. Les engagements pris par ABC restent lettre morte, exacerbant les tensions.
Il est impératif d’harmoniser la conservation de la nature avec le développement local, en impliquant activement les communautés dans la gouvernance de la réserve. Le professeur Bonkena, directeur national de l’ONG GAIDEP, a souligné la nécessité de suspendre tout projet d’expansion de la réserve en attendant la résolution des conflits en cours.
À noter que les affrontements de l’année précédente entre les habitants locaux et l’ONG ABC ont eu des conséquences tragiques, entraînant la perte d’une vie humaine et l’incarcération de plusieurs autres. En conclusion de cette conférence, une feuille de route a été élaborée pour orienter les actions de plaidoyer visant à instaurer un dialogue constructif entre ABC, les communautés locales et toutes les parties prenantes impliquées.